
Dans le cadre de la Quinzaine de l’Économie Circulaire (7-18 octobre), CAP Construction a échangé avec Anne-Sophie Hallet, Coordinatrice Environnement et Circularité chez Galère, sur la réhabilitation de la Cimenterie Delwart à Tournai.
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Dans le cadre de la Quinzaine de l’Économie Circulaire (7-18 octobre), CAP Construction a échangé avec Anne-Sophie Hallet, Coordinatrice Environnement et Circularité chez Galère, sur la réhabilitation de la Cimenterie Delwart à Tournai. Ce projet, porté par Duka Immo et réalisé par Galère, a permis à l’entreprise de se positionner comme un acteur clé de l’économie circulaire en intégrant des matériaux de réemploi et en collaborant avec des sous-traitants spécialisés.
Un projet d’économie circulaire à Tournai
La réhabilitation de la Cimenterie Delwart a permis de préserver son empreinte architecturale tout en valorisant la biodiversité développée sur le site depuis sa fermeture. Le projet porté par Duka Immo et auquel Galère a participé en tant qu’entreprise de construction a transformé l’ancienne cimenterie en un complexe mixte (centre d’accueil, 39 appartements, 3 lofts).
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Anne-Sophie Hallet, Coordinatrice Environnement et Circularité chez Galère : « Depuis 2020, l’économie circulaire fait partie de notre politique QSEE. Nous cherchions un projet pour déployer des pratiques circulaires innovantes. La réhabilitation de la cimenterie Delwart s’est rapidement imposée, car tous les éléments étaient réunis pour dépasser les objectifs initiaux. Nous avions des liens solides avec les acteurs du projet, des inventaires réalisés en amont sur les matériaux, le patrimoine et l’environnement, et la plupart de nos équipes étaient déjà présentes dans le Tournaisis. Nous avons alors décidé de faire de ce projet un pilote en répondant à l’appel à projets de Circular Wallonia pour propulser l’expérience du projet au niveau régional. »
Recyclage et réemploi : des pratiques circulaires innovantes
1. Recyclage sur site
La société de démolition Dufour a recyclé 100% des matériaux inertes provenant des démolitions (principalement bétons, briques et autres déchets minéraux) directement sur site grâce à l’utilisation d'un concasseur mobile. Cette approche a permis de recycler près de 9.500 tonnes de matériaux, réutilisés efficacement pour le remplissage des fonds de coffre et la création de la piste du chantier. Le principal résultat est une valorisation totale des déchets inertes sans aucune exportation hors du site.
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Les éléments d’étanchéité de l’ancienne toiture ont été démontés et testés par Derbigum pour évaluer leur recyclabilité. Ceux recyclables ont été traités en conséquence. Les chutes de plâtre mis en œuvre pour le nouveau bâtiment ont été envoyées à l’entreprise Replic à Tournai après un tri effectué sur site, pour être transformées en nouveaux produits par Knauf. D'autres matériaux issus de la démolition, comme du métal et du bois, ont aussi été récupérés et envoyés en recyclage, notamment 300 tonnes de tiges de fer et 30 tonnes de bois.
2. Réemploi
L’un des atouts majeurs de ce projet réside dans le fait que la même société (Dufour) s’est occupée à la fois de la démolition et de l’aménagement des abords, ce qui a permis d’assurer une gestion cohérente et intégrée des matériaux tout au long de l’opération. Les pierres à l’intérieur du bâtiment ont été déplacées et relocalisées pour préserver les ressources du site. Lors de la démolition, les briques intactes ont été récupérées, nettoyées et palettisées, formant quatre palettes mises à disposition de Galère qui les a réutilisées pour le ragréage de bâtiments en fond de parcelle. Tel un totem du passé industriel, la cheminée du bunker, a été déplacée et installée sur un socle à l’entrée du site. Les éléments métalliques et les rails de transport ont aussi été récupérés et réutilisés pour l’aménagement des abords, optimisant ainsi les ressources et permettant de lier les mixités d’usage entre elles. Bien que certains objectifs rentrés dans l’appel à projets Circular Wallonia n’ont pas été atteints en raison des défis pratiques liés à l’économie circulaire (voir paragraphe suivant), un peu plus de 400 m² de faux-plafonds de réemploi ont été posés.
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Les défis du réemploi et de l’économie circulaire
1. La disponibilité des matériaux
Contrairement aux matériaux neufs, dont la production et la distribution sont bien établies, les matériaux de réemploi en quantité pour des projets d’envergure comme celui-ci sont encore peu nombreux sur le marché. En effet, ils doivent principalement provenir de sites de déconstruction, une pratique relativement novatrice à l’époque du projet qui manque encore de précédents et de structures bien établies. Par conséquent, ces matériaux ne sont pas toujours disponibles en quantité suffisante ni dans les spécifications techniques requises pour un projet donné.
2. Ajustements du planning du projet
Pour faire intervenir un sous-traitant alternatif (issu de l’économie sociale par exemple) ou pour acheter des éléments de réemploi plutôt que leur version neuve prescrite, une adaptation du planning est nécessaire : le processus de consultation et l’aboutissement à la commande doivent considérer un temps plus long que dans une version « business as usual ». Le temps de mise en œuvre peut lui aussi être impacté. Par exemple un carrelage de réemploi pourrait ne pas être de même épaisseur qu’un neuf sorti d’usine ou pourrait nécessiter un pré-traitement. Ces inconnues peuvent compliquer la gestion du temps et des ressources, ce qui est un facteur critique dans la réussite du projet.
3. L’adhésion de tous
Enfin, un autre défi majeur réside dans l'adhésion des ouvriers et des équipes d’encadrement du chantier. Anne-Sophie Hallet : « L'utilisation de matériaux de réemploi demande souvent une approche différente à celle bien rodée des matériaux neufs de la part de tous les intervenants. De plus, la réticence au changement peut être un facteur limitant, certains sous-traitants préférant utiliser des matériaux neufs, jugés plus simples et plus rapides à mettre en œuvre. L’adhésion de l'ensemble des parties prenantes, y compris le maitre d’ouvrage et l’auteur de projet, est donc essentielle pour garantir le succès de la démarche. »
Responsabilisation et sensibilisation : clés du succès
Anne-Sophie Hallet : « Pour nos projets circulaires, nous avons adopté une approche proactive en impliquant nos sous-traitants dès la phase de consultation, afin qu'ils comprennent les exigences liées à la circularité et puissent donner leur avis sur la faisabilité des pratiques circulaires. Une autre stratégie clé a été de sensibiliser tout le personnel du chantier, pas seulement les managers, aux aspects circulaires du projet. Un ouvrier-manœuvre a été affecté au chantier pour superviser la gestion des déchets et des matériaux à réemployer, s'assurer de la bonne application des pratiques circulaires et répondre aux questions logistiques. Ce rôle a permis de garantir le respect des pratiques d’économie circulaire testées.
Conclusion
La réhabilitation de la Cimenterie Delwart montre que l’économie circulaire peut transformer le secteur du bâtiment. Grâce à l’engagement de Galère, le projet illustre que la circularité est non seulement un levier d’innovation mais aussi une source de collaboration renforcée et de durabilité. La clé du succès réside dans la responsabilisation des acteurs et dans l’implication active de tous dans la démarche circulaire.