Challenge de la Construction : réflexion de Bernard Delvaux (Etex) sur les enjeux de la construction

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Nous y étions, et vous ?

Le Challenge de la Construction organisé par Greenwin, Buildwise et Embuild, le 28 novembre dernier, a rassemblé quelque 200 participants lors d’une journée qui s’articulait autour de la thématique : quels (f)acteurs d’une rénovation inspirante?

Les différents panels organisés tout au long de la journée ont permis de dégager des clés et leviers importants pour répondre une transformation accélérée et qualitative du parc immobilier en Wallonie.

Mais si l’innovation du secteur a été saluée, notamment en matière de nouveaux matériaux biosourcés et de technologies intelligentes, le constat est sans appel : le processus de rénovation doit également prendre en compte des défis sociétaux importants.

Bernard Delvaux, CEO d’Etex et key note speaker de l’événement, a d’ailleurs abordé cette problématique dans une intervention qui mettait l’accent sur le pratico-pratique. Nous en profitons pour vous présenter sa réflexion sur les enjeux que devra relever le secteur de la construction en Wallonie pour atteindre ses objectifs d’ici 2030. CAP Construction a profité de sa présence pour lui soumettre plusieurs questions.

 

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Bernard Delvaux

CAP Construction : Etex étant un groupe qui travaille aussi beaucoup à l’international, pouvez-vous identifier des challenges particuliers à la Wallonie en termes de rénovation de son bâti ?

Bernard Delvaux : Je pense que les enjeux propres à la rénovation s’étendent à toute l’Europe, et pas uniquement à la Wallonie. Cette rénovation des bâtiments doit avoir lieu si on veut réduire les émissions de CO2, verdir le parc immobilier et répondre également à des enjeux sociaux. Quand on parle d’émissions de CO2, on cite souvent l’aviation ou les voitures. Or, l’habitat génère actuellement 26% des émissions en Belgique, contre respectivement 3% et 15% pour les deux autres secteurs précités. Le problème, c’est qu’au lieu d’augmenter pour atteindre les 3% nécessaire pour atteindre l’objectif Européen de neutralité carbone en 2050, le nombre de permis de bâtir de rénovation stagne à 1% et se traduit par un ralentissement de -40 à 50% par rapport à 2022 pour la Wallonie.

CAP Construction : Pouvez-vous identifier les causes de cette diminution du rythme de rénovation ?

Bernard Delvaux : Je commencerai par citer l’inflation généralisée dans toute l’Europe qui a fortement réduit le portefeuille des candidats potentiels à la rénovation. L’indexation aide certes, mais ne comble pas l’envol des prix. En plus d’une augmentation de 20 à 30% du budget pour la même rénovation par rapport à il y a 2 ans, il faut compter avec une hausse importante des taux d’intérêt et un nombre croissant de refus de prêt de la part des banques.
Les pouvoirs publics essaient d’aider en octroyant des subsides, mais le labyrinthe informationnel sur les différentes plateformes et sites pour l’octroi de primes et autres subsides décourage les particuliers. Et si, malgré tout, les candidats décident de rénover, ils se heurtent ensuite aux barrières légales et aux difficultés d’obtention du permis.

CAP Construction : Face à ces nombreux freins, quelle carte l’industrie pourrait-elle jouer pour simplifier l’accès à la rénovation ?

Bernard Delvaux : Pour aller de l’avant, le secteur pourrait commencer par se poser des questions très concrètes. Par exemple, comment faciliter l’obtention des permis de rénover pour des quartiers sociaux avec des maisons très similaires. Ou encore, comment découper l’approche de rénovation en projets locaux (par exemple pour les bâtiments publics et les bâtiments individuels) ? La productivité du secteur de la construction n’a progressé que très légèrement en comparaison avec d’autres secteurs, comme l’automobile par exemple. L’industrie pourrait ainsi proposer des systèmes et solutions pouvant être installés de manière simple, graduelle, incrémentale, directement par les particuliers. A l’heure actuelle, tout le monde sait comment isoler son toit en plaçant de la laine de verre. Il serait intéressant d’avoir une solution technique tout aussi facile pour isoler sa façade, sur le modèle du « Quickstep ».

CAP Construction : En tant que fournisseur de matériaux, Etex propose-t-il déjà ce genre de solution ?

Bernard Delvaux : Nous avons à notre actif plusieurs tentatives dans le préfabriqué, certaines fructueuses, et d’autres moins. Mais je suis convaincu qu’il faut rassurer notre chaîne de valeur sur l’utilisation de nouvelles techniques qui présentent une qualité et des coûts identiques, mais avec un plus gros potentiel de recyclage et une meilleure temporalité d’installation. Nous travaillons actuellement sur des solutions sandwiches avec des plaques de façades externes, de l’isolant et des plaques de plâtre assemblés. Nous avons également développé la plaque extérieure Weather Defence en plâtre de la marque Siniat, conçue pour réaliser l'étanchéité à la pluie et au vent de constructions à ossature bois et métallique et pour laquelle nous avons plusieurs brevets. Nous avons également développé un nouveau procédé de recyclage du fibre-ciment.

CAP Construction : Si vous aviez un conseil à donner au secteur, quel serait-il ?

Bernard Delvaux : Je pense que le secteur a besoin d’une remise en cause de la manière dont il construit/rénove. Il lui manque clairement une vue globale liée à la fragmentation de sa chaîne de valeur. Cependant, le secteur de la construction à lui seul ne saurait relever tous les défis qui caractérise la société d’aujourd’hui. De manière générale, l’idéal serait d’avoir une approche collective avec notamment les propriétaires, le politique, l’administration, les banques, les constructeurs et l’industrie. Quoi de plus inspirant et de plus mobilisateur que d’améliorer nos espaces de vie ? C’est une thématique qui met tout le monde d’accord.